La réforme du droit des contrats

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est entrée en vigueur le 1er octobre 2016.

Jusqu’à l’ordonnance du 10 février 2016, le droit des contrats reposait sur des dispositions du Code civil en vigueur depuis 1804. La réforme avait pour but de « clarifier le droit commun des contrats et de l’adapter au contexte économique et social du 21e siècle, tout en préservant ses grands principes ».Le législateur s’est notamment appliqué à améliorer la lisibilité et l’accessibilité du droit commun des contrats en le modernisant et en le simplifiant.De nombreuses solutions jurisprudentielles ont en outre été intégrées dans le Code civil afin de favoriser la prévisibilité du droit, en mettant fin à l’incertitude qui pouvait affecter le sort de certaines clauses contractuelles du fait de revirements de jurisprudence.

La réforme a par ailleurs introduit de nouvelles possibilités, telles que la résolution unilatérale du contrat en cas d’inexécution grave ou la preuve numérique, ainsi que des mesures visant à protéger la partie faible dans un contrat : théorie de l’imprévision, sanction de l’abus de dépendance ou clauses abusives en droit commun des contrats.Nous nous proposons d’étudier ci-après plus précisément ces diverses évolutions.

Nouvelles règles relatives à la formation du contrat

Aux termes de l’article 1101 du Code civil, le contrat est désormais défini comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». La référence aux obligations de donner, faire ou ne pas faire a été abandonnée.Les articles suivants définissent les principes généraux qui doivent être respectés dans toute relation contractuelle, en particulier la liberté contractuelle et la bonne foi.

Liberté contractuelle et bonne foi

La liberté contractuelle est érigée en principe : liberté de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer la forme et le contenu du contrat.L’obligation de bonne foi à laquelle sont tenues les parties dans l’exécution du contrat est étendue à la négociation et à la formation du contrat et devient un principe d’ordre public, les parties ne peuvent donc y déroger.Le devoir pré-contractuel d’information est généralisé et rendu d’ordre public. En dehors des cas spécifiques où il était déjà prévu par la loi, cette obligation avait été imposée par les tribunaux, depuis plusieurs années, aux professionnels dans divers contrats. L’article 112-1 du Code prévoit ainsi que celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Consentement des parties

Un nouveau cas de violence pouvant justifier l’annulation du contrat pour vice du consentement fait son apparition dans le Code civil : l’abus de l’état de dépendance. Il y a violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’au- rait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

Consécration des avant-contrats

L’ordonnance consacre deux sortes d’avant-contrats issus de la jurisprudence : le pacte de préférence et la pro- messe unilatérale.

Le pacte de préférence

L’article 1123 définit le pacte de préférence comme « le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritaire- ment à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ».Concernant la violation du pacte, l’article reprend les sanctions que les tribunaux appliquaient : il donne le droit au bénéficiaire du pacte d’obtenir la réparation du préjudice subi ou, si le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, d’agir en nullité ou de demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat.Afin de prévenir toute contestation, le nouveau texte innove en autorisant le tiers à demander au bénéficiaire de lui confirmer l’existence d’un pacte et de lui indiquer s’il a l’intention de s’en prévaloir. La demande devra mentionner qu’à défaut de réponse (dans le délai fixé par le tiers) le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat.

La promesse unilatérale

La promesse unilatérale se définit comme le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.L’article 1124 introduit une nouveauté à propos de la révocation de la promesse unilatérale. Désormais, la révocation de la promesse avant l’expiration du délai d’option n’interdit pas la formation du contrat : le bénéficiaire de la promesse peut donc lever l’option après la révocation et demander l’exécution forcée du contrat. Cette disposition met un terme à une jurisprudence de la Cour de cassation qui refusait dans cette hypothèse d’ordonner la réalisation forcée du contrat. 

Par ailleurs, le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul.

Nouvelles conditions de validité du contrat

Les notions de cause et d’objet sont supprimées en tant que conditions de validité du contrat. Dorénavant, le contrat doit avoir un contenu certain et licite et les contrats à titre onéreux doivent avoir une contrepartie ni illusoire ni dérisoire. En ce qui concerne la condition de validité du contrat liée à la capacité, l’article 1145 précise que « la capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles ».Dans les contrats d’adhésion, même conclus entre professionnels, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat sera réputée non écrite.

Autres nouveautés

La cession de contrat et la cession de dettes, issues de la pratique, font leur apparition dans le Code civil.La cession de contrat est désormais légalement reconnue : un contractant peut céder le contrat à un tiers avec l’accord de son cocontractant. La cession, qui doit être constatée par écrit à peine de nullité, ne libère le cédant que si le cédé y a expressément consenti et seulement pour l’avenir.

De même, la cession de dettes, souvent pratiquée, est légalisée. Elle peut ainsi être prévue en cas de cession de fonds de commerce, l’acquéreur s’engageant à reprendre le passif du cédant. Elle nécessite l’accord du créancier concerné, lequel peut être donné par avance (au moment de la conclusion du contrat qui génère la dette) ou par son intervention à l’acte de cession. Mais l’opposabilité ne prend effet que postérieurement à cet accord.

Le régime de la cession de créance est remanié, celle-ci étant désormais soumise à des dispositions spécifiques. Ses conditions de validité sont renforcées : un écrit est désormais exigé, à peine de nullité. Autre nouveauté : la cession est opposable aux tiers à la date de l’acte de cession, sans aucune autre formalité. Vis-à-vis du débiteur cédé, la cession ne lui est opposable, s’il n’y a pas déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. Autre innovation notable, il est désormais possible pour une partie d’engager des actions interrogatoires (cf. encadré) afin de limiter au maximum les incertitudes dans les relations contractuelles.

De la même manière, les procédures sont simplifiées afin de réduire le recours aux juges : le créancier peut, à ses risques et périls et après mise en demeure du débiteur défaillant, résoudre le contrat par voie de notification adressée à ce dernier en cas de persistance de l’inexécution.

L’article 1195 introduit la théorie de l’imprévision, sur laquelle la doctrine était jusqu’alors divisée, en prévoyant que « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant ». Cette mesure a l’avantage de préserver la relation contractuelle en donnant aux parties la possibilité d’adapter le contrat à un nouveau contexte, et ce, en l’absence de clause de révision dans le contrat.

Enfin, la réforme du droit des contrats s’adapte au progrès technique en accordant la même force probante à une copie réalisée sur un support électronique qu’à l’original.

A noter

Conditions d’application des nouvelles dispositions

Les nouvelles mesures sont applicables aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016. Les contrats conclus avant cette date demeurent régis par les règles antérieures, sauf en ce qui concerne les mesures relatives aux actions interrogatoires, qui leur sont applicables depuis le 1er octobre. De même, les poursuites engagées avant le 1er octobre 2016 sont poursuivies et jugées conformément à la loi ancienne.

Trois actions interrogatoires

Par la première, le tiers qui souhaite conclure un contrat faisant l’objet d’un pacte de préférence peut demander au bénéficiaire de confirmer l’existence du pacte et s’il compte s’en prévaloir.Par la seconde, un tiers peut vérifier auprès du représenté les pouvoirs de son représentant avant de conclure un contrat.La troisième permet au cocontractant qui entend s’assurer de la validité du contrat sur laquelle il a un doute de demander par écrit à la partie qui pourrait se prévaloir de la nullité du contrat de confirmer le contrat ou d’agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de forclusion.

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